Programme de République des biens communs
Sommaire
Jeudi 8 septembre
Après-midi: ACCUEIL DES PARTICIPANTS
Soirée: Présentation du Centre, du colloque et des participants
Vendredi 9 septembre
Matin: Dimension historique, résonnances contemporaines
(animateur: Jean-Louis BANCEL)
- Jean-Louis BANCEL: Introduction
- Yannick BOSC: Communs et républicanisme
- Stéphanie LEYRONAS: Rôle et place des communs dans le développement économique et social
Après-midi: Analyse économique et sciences de gestion
(animateur: Benjamin CORIAT)
- Benjamin CORIAT: Introduction
- François MOREAU: Les modèles économiques des communs
Soirée: Réguler le numérique pour sauvegarder la part du commun?,
- animée par Benjamin CORIAT,
- avec Antonio CASILLI
- et Valérie PEUGEOT (Présidente de l’association VECAM)
Samedi 10 septembre
La gestion d’un bien commun naturel, l’expérience de Chausey
Visite sur place, rencontres et échanges avec Philippe ANTOINE (SCI des Îles Chausey), Philippe BAS (Président du Conseil départemental de la Manche, Sénateur) et Jean-Philippe LACOSTE (Conservatoire du littoral)
Dimanche 11 septembre
Matin: Les "communs" pour penser et dépasser le droit de propriété
(animateur: Jean-Louis BANCEL)
- Fabienne ORSI: La propriété dans tous ses états
- Alberto LUCARELLI: Un cadre politique et juridique favorable au développement des "communs"
Après-midi: Les biens communs pour produire et consommer ensemble
(animateur:Frédéric SULTAN)
- Frédéric SULTAN: Introduction
- Benjamin TINCQ: L'économie collaborative et les "biens communs"
- Michel GRIFFON: Agro-alimentaire et formes d’appropriation
Lundi 12 septembre
Matin: Les biens communs pour entreprendre et travailler en commun
(animateur:Benjamin CORIAT)
- Aurore CHAIGNEAU: L'entreprise à la croisée des doctrines du bien commun
- Olivier WEINSTEIN: Communs, travail et salariat
Après-midi: La finance et le concept de commun
(animateur: Jean-Louis BANCEL)
- Roland PÉREZ: Finance et biens communs
- Catherine KARYOTIS: La stabilité financière internationale à valoir comme un bien public et une finance à penser comme un bien commun
Soirée: Adapter la façon de travailler pour développer les communs: exemple des coopératives et l’emploi des intermittents du spectacle,
animée
- par Nicole ALIX & Frédéric SULTAN,
- avec Noémie de GRENIER (Co-directrice de Coopaname)
Mardi 13 septembre
Matin: Territoires et biens communs
(animatrice: Nicole ALIX)
- Nicole ALIX: Introduction
- Sarah VANUXEM: Les sections de communes, nos derniers communaux
- Gregorio ARENA: New legal rules to take care of common goods and re-build local communities
Après-midi: Les biens publics mondiaux
(animateur: Frédéric SULTAN)
- Amy DAHAN: Le climat, un "bien commun" dans les négociations internationales?
- David BOLLIER: L'internet
Mercredi 14 septembre
Matin: Le partage de la valeur et les biens communs
(animatrice: Nicole ALIX)
- Yuri BIONDI: Les normes comptables internationales, une nouvelle représentation de l'entreprise?
- Judith ROCHFELD: À qui profite le Clic? Vers un nouveau droit du partage entre "commoners"?
Après-midi: Prospérité et diversité des "communs" dans le monde: vers une Internationale des "biens communs"?
(animateur: Frédéric SULTAN)
- Michel BAUWENS: Forces et limites de la démarche pair à pair
- Stefano RODOTÀ: L'Europe un creuset pour les communs?
Soirée: La voie coopérative
, animée par
- Jean-Louis BANCEL,
- avec Jean-François DRAPERI (Biens communs et coopératives: passé, présent et avenir convergents?)
- et John RESTAKIS (Co-ops, Commons, and the Partner State)
Jeudi 15 septembre
Matin: Vers une république des biens communs?
- Jean-Louis BANCEL: La république des biens communs: une nouvelle tour de Babel ou la réincarnation de l’utopie de la "république coopérative"
- Nicole ALIX, Benjamin CORIAT & Frédéric SULTAN
Après-midi: DÉPARTS
RÉSUMÉS :
Gregorio ARENA: New legal rules to take care of common goods and re-build local communities Something new has been happening in Italy in these last years, something that nobody thought would have been possible in a country where common goods have traditionally been considered as nobody’s goods, therefore prey to pillage or exploitation. It’s a cultural change thanks to which thousands of people in towns as well as in villages, in the north as in the south, are getting out of their homes to take care together with their neighbors of urban common goods: streets, squares, parks and in general public spaces, cultural goods, schools as well as abandoned public buildings which are restored and become alive again thanks to the combined efforts of active citizens. All this goes much beyond plain maintenance of urban goods. Instead, it really has to do with participation to public life in new forms, whereas active citizens participate not only to public decisions (participatory democracy), but also to the solution of problems of general interest (shared administration). And while doing that, they build or re-build the liens which tie their community together, help people fight loneliness, produce integration, social capital and reciprocal trust. The positive impact of citizens engaging in taking care of common goods goes therefore much beyond the material aspects, however important they may be for a better quality of life. However, paradoxically, legal rules derived from an old conception of the relationship between citizens and the State forbid such activities. For this reason Labsus (Laboratorio per la sussidiarietà) in 2014 has drafted, together with Bologna’s municipality, new municipal rules to regulate shared administration and allow citizens to take care of common goods. These new rules have been adopted by municipalities all over the country, allowing citizens to relate with local public administrations on an equal basis, liberating precious civic resources and energies in the general interest.
Gregorio Arena, until 2015 full professor of Administrative Law in the University of Trento (Italia), is also the founder and president of LABSUS - Laboratorio per la sussidiarietà, an association and online review that for the last ten years has been successfully promoting active citizenship in Italy in the form of shared administration of common goods.
Publications
L’età della condivisione (Ed.), Carocci, 2015.
L'Italia dei beni comuni (Ed.), Carocci, 2012.
Cittadini attivi (Un altro modo di guardare all’Italia), Laterza, 2011, 2° ed.
Per governare insieme: il federalismo come metodo di governo (Verso nuove forme della democrazia), Cedam, 2011 (Ed.).
Il valore aggiunto (Ed.), Carocci, 2010.
On the new municipal Regulation see Rapporto Labsus 2015:
http://www.labsus.org/wp-content/themes/Labsus/media/Rapporto_Labsus_2015_Amministrazione_condivisa_dei_beni_comuni.pdf.
Many essays published in www.labsus.org.
Yuri BIONDI: Les normes comptables internationales, une nouvelle représentation de l'entreprise ? Depuis juillet 2002, l’Union Européenne a délégué sa fonction législative en matière de comptabilité du secteur privé à l’IASB qui émet les normes comptables internationales dites IFRS. Ce choix a orienté la comptabilité européenne vers un nouveau principe comptable, celui de la "juste valeur". Auparavant, la réglementation européenne s’inspirait essentiellement de la logique du coût historique: l’évaluation des actifs au bilan se fondait ainsi sur leurs "coûts d’acquisition amortis". Notre communication va opposer ces deux modèles comptables et analyser leurs conséquences pour la représentation, la gouvernance et la régulation des entreprises. Des cas d’étude telles les notions d’actif et de passif et la distinction entre dette et capitaux propres illustreront nos propos. Le modèle issu du principe de la juste valeur assume une représentation marchande de l’entreprise en tant que portefeuille d’actifs et passifs, alors que le modèle issue du principe du coût historique s’appuie sur une représentation de l’entreprise comme entité située dans le temps et l’espace. La crise financière qui a débuté à l'été 2007 a confirmé le défaut intrinsèque du modèle comptable de la juste valeur. Ce modèle n’a pas contribué à anticiper la crise et l’a même accentuée. La comptabilité peut et doit garder pour objectif la constitution d'un instrument de contrôle et de régulation, indépendant du marché et centré sur l’entreprise comme entité, et non suivre les valeurs de marché au jour le jour. La comptabilité doit s’imposer ainsi comme une institution centrale des économies de marché, essentielle au fonctionnement des marchés eux-mêmes, conformément à l’intérêt général.
Yuri Biondi est professeur à l’ESCP Europe, chargé de recherches du Cnrs, et directeur de recherche au Labex ReFi à Paris. Diplômés des Universités Bocconi de Milan, de Lyon, de Brescia et de Paris I Pantheon-Sorbonne, il anime la revue de recherche internationale autour de "Accounting, Economics and Law". Il a été président du Financial Accounting Standards Committee (FASC) de l’American Accounting Association (AAA) entre août 2011 et août 2013. Son programme de recherche est consacré aux relations entre l’économie, le droit et la comptabilité, aussi bien dans le secteur privé que public. Il s’intéresse à l’analyse de systèmes complexes, à la théorie économique, à la gouvernance et à la responsabilité sociale des entreprises, ainsi qu'à la régulation financière, la théorie et régulation comptables, la comptabilité et les finances publiques.
Plus d’information: http://yuri.biondi.free.fr/
David BOLLIER: Transnational Republics of Commoning: Re-imaginig Governance Through Emergent Networking As the peer-to-peer velocity of cross-border exchange reaches new intensities, the nation-state and international treaty systems are facing new, insurgent pressures from below. Open tech infrastructures and software are enabling ordinary people to deliberate, collaborate and share resources transnationally, in their own semi-sovereign spaces and according to their own rules and norms. The rise of this robust Commons Sector is potentially transformative in developing post-capitalist solutions to climate change and much else. With luck and creativity, digital commons could not only challenge market and state structures that are so often too cumbersome, corrupt, anti-social or predatory. They could enable new regimes of democratic participation and help produce a network-based system for meeting needs and governing people — a new type of polity that is experienced as more effective and legitimate than conventional state structures.
David Bollier is an American author, activist, blogger and independent scholar with a primacy focus on the commons as a new paradigm of economics, politics and culture. He pursues this work primarily as co-founder of the Commons Strategies Group, an advocacy / consulting project that assists the international commons movement, and as Director of the Reinventing the Commons Program at the Schumacher Center for a New Economics (US).
Bollier has written or edited eight books on the commons, including Think Like a Commoner: A Short Introduction to the Life of the Commons (2014) and, with co-editor Silke Helfrich, Patterns of Commoning (2015).
Yannick BOSC: Communs et républicanisme La république est communément définie en creux comme une forme de gouvernement opposée à la monarchie. Cette définition négative à laquelle nous sommes accoutumés masque une définition positive et plus exigeante dans laquelle la république est à la fois pensée comme un bien commun et comme le mode de gouvernement de ce bien commun — ce mode de gouvernement étant donc constitutif du bien commun qu'est la république. Dans cette acception de la république, ce mode de gouvernement consiste dans la démocratie. Le retour de la problématique des "communs" donne une nouvelle visibilité à cette république pensée comme un "commun" qui a en particulier été mise en œuvre pendant la Révolution française, sous la Convention montagnarde. Inscrite dans une longue tradition politique, elle constitue un républicanisme de droit naturel selon lequel la raison d'être d'une république consiste à garantir le droit à l'existence de ses membres.
Aurore CHAIGNEAU: L'entreprise à la croisée des doctrines du bien commun Croiser la thématique de l'entreprise avec les doctrines des communs revient à poser la question de la forme et de la dynamique du projet entrepreneurial. La question est d'actualité. Les deux termes ont connu un regain d'intérêt au sein de la doctrine juridique mais aussi économiste. La notion d'entreprise tout d'abord est utilisée en contre point de celle de société. Elle permet de souligner, par exemple, les lacunes et les limites d'un droit des sociétés octroyant des pouvoirs aux actionnaires sur les décisions prises par la société, l’ambiguïté du mandat donné aux dirigeants, l'invisibilité de certaines parties prenantes dans l'architecture de la structure capitalistique. La référence à l'entreprise nourrit un discours permettant de décentrer l'objet d'analyse de la société à l'entreprise par l'identification d'une entité élargie circonscrivant de façon plus pertinente une dynamique économique dont elle est la cause. Les discours sur l'entreprise entendent réévaluer les pouvoirs des parties prenantes et promouvoir des formes institutionnelles plus respectueuses d'un nouvel équilibre des énergies à l'origine de la création de valeur.
Aurore Chaigneau est professeur de droit privé à l'Université de Nanterre Paris - Lumière. Spécialiste de droit de la propriété et de droit comparé, elle a publié en 2008, Le droit de propriété en mutation, essai à la lumière de l'expérience russe, ed. Dalloz. Elle a dirigé l'axe de recherche entreprise et bien commun dans un programme de recherche du Collège des Bernardins consacré à L'entreprise, les formes de la propriété et la responsabilité sociale. Y étaient étudiées l'évolution et l'adaptation subséquente des régimes de propriété et d'usage des biens économiques. Loin de restreindre le champ de l’analyse aux entreprises conduites sous la forme de "société" personne morale, la recherche vise à prendre l’entreprise dans "toutes ses formes", pour étudier la répartition des pouvoirs, l'affectation du patrimoine, les restrictions des droits des associés ou des propriétaires à l'aune des projets poursuivis. Elle prépare un ouvrage collectif intitulé Propriété et commun, étude de droit comparé, SLC, 2016 consacré à l'adaptation du droit de propriété aux impératifs environnementaux et sociétaux au cours des dernières décennies.
Publications
"L'entreprise hors le territoire", in Roger B., Segrestin B., Vernac S., L'entreprise, point aveugle du savoir, colloque de Cerisy, Ed. Sciences humaines, 2014.
"L'entreprise à la croisée des doctrines du bien commun", in Parance B., De Saint Victor J., Repenser les biens communs, ed. CNRS, 2014.
"Repenser la propriété et la responsabilité des personnes morales", avec S. Vernac, in Entreprise forme de la propriété et responsabilité sociale, dirigé par Olivier Favereau (EconomiX) et R. Baudoin, ed. Collège des Bernardins, ed. Lethielleux, 2012.
Noémie de GRENIER Coopaname est issue du mouvement des coopératives d’activités et d’emploi, qui proposent une alternative à la création d’entreprise individuelle, en proposant un modèle d’entreprise original: chacun(e), qu’il soit graphiste, jardinière, formateur ou menuisier(ère) est invité(e) à développer sa propre activité de manière autonome au sein de la même coopérative. De la volonté originelle de sécurisation des parcours professionnels, dans un contexte de précarisation et d’individualisation du rapport au travail, naissent de nouvelles manières de travailler ensemble, et de nouvelles problématiques aujourd’hui au cœur du projet coopanamien: comment penser la démocratie dans une entreprise où chacun(e) développe sa propre activité? Qui possède quoi au sein de cette entreprise, au moment où la croissance de la coopérative, l’ampleur que prend le projet, impacte de plus en plus les activités, et où se développent de plus en plus d’activités collectives? Comment revoir notre rapport à la richesse, et à la rémunération, quand les coopérateurs peinent à se verser des salaires satisfaisants, alors même qu’au sein de la coopérative se crée quotidiennement une richesse qui n’est reconnue nulle part? Comment, enfin, réussir à tisser des liens solides avec l’ensemble des "travailleurs atypiques", des nouveaux indépendants, qui connaissent les mêmes problématiques et partagent pour beaucoup les aspirations des coopanamien(ne)s?
Noémie de Grenier, co-directrice générale de Coopaname depuis décembre 2015, a commencé sa vie professionnelle en Argentine, auprès de structures de développement local et d’entreprises récupérées. Embauchée en 2008 à Coopaname, elle devient la responsable de la coopérative en Seine-Saint-Denis, ainsi que la co-pilote de la commission recherche. Administratrice de la coopérative de 2010 à 2013, elle est en charge des programmes d’éducation à la citoyenneté économique destinés aux jeunes. Au sein de l’actuelle équipe de direction, elle est en charge des partenariats et de la recherche.
Catherine KARYOTIS: La stabilité financière internationale à valoir comme un bien public et une finance à penser comme un bien commun Stiglitz (2006) évoque la stabilité financière mondiale telle un bien public au même titre que l’aide humanitaire ou la stabilité politique. Or ladite stabilité a disparu en 2008, à la suite de la crise des subprimes qui ne fut, au demeurant, qu’un des éléments d’une crise multiple plus profonde. La crise — encore actuelle mais aux dimensions, aux contours et aux conséquences inédites et multiples — est une crise de modèle, celui du capitalisme hyperfinanciarisé (Epstein 2005, Krippner 2005). Il convient désormais de revisiter les différentes formes de capitalismes (Boyer 2002) pour revenir, peut-être, vers ce qu’Albert (1991) appelait capitalisme rhénan ou familial. De facto, la finance doit redevenir un moyen de développement des richesses, en étant remise au service de l’économie et de la société. Aussi sans qu’il soit possible à ce jour de penser totalement la finance comme un bien commun au sens d’Ostrom (1990), il convient de l’aider à dépasser la dimension individualiste pour remettre l’intérêt général au centre des préoccupations des acteurs pour le bien-être de tous (Rawls 1971).
Catherine Karyotis, docteur en Sciences de gestion, HDR, est professeur de finance à Neoma Business School, responsable du Mastère Spécialisé Analyse Financière Internationale du campus de Reims.
Elle est l’auteur de plusieurs ouvrages en banque et finance, ainsi que d’articles professionnels et académiques. Ses recherches portent sur l’efficience et la gouvernance des systèmes financiers. Elle dénonce l’hyperfinanciarisation des économies et questionne en conséquence le besoin de remettre la finance au service de l’économie et de la société.
Stéphanie LEYRONAS: Les communs dans l'agenda du développement Dans les années 1990, les biens publics mondiaux s’imposent comme nouveau vecteur de l’aide. Concept puissant pour évoquer les enjeux globaux, ils souffrent néanmoins d’une interprétation étroite de la logique de l’État-Nation héritée du Traité de Westphalie (1648) qui contraint une gouvernance mondiale et limite l’efficacité d’outils réglementaires et économiques s’imposant à l’ensemble des acteurs. C’est dans ce contexte que les communs prennent leur sens, comme prolongement et relève des biens publics mondiaux. À travers eux, les actions locales et régionales reviennent au centre de l’effort global, dans une approche polycentrique de la gouvernance des ressources, défendue par E. Ostrom. Ils introduisent une démarche positive vis-à-vis des enjeux globaux, axée sur les processus. Enfin, et surtout, les communs tirent leur force de leur ancrage local. En mettant en avant clairement un espace entre le marché et l’État dans la coordination des acteurs, à des échelles diverses, ils permettent de repenser les dispositifs de gouvernance, de trouver des compromis et des synergies entre ces différents modes et d’inventer des articulations originales. Définir les communs comme vecteur de l’aide pour une agence comme l’AFD peut avoir des implications opérationnelles et stratégiques fortes. Quel positionnement peut-elle tenir entre ne pas nuire, accompagner, transformer, renforcer, voire faire émerger des communs? Comment intégrer les modes de pensée que nous proposent les communs dans les processus opérationnels et stratégiques?
Stéphanie Leyronas est diplômée des Mines de Paris et obtient en 2000 un Master Sciences de l’environnement - spécialité pays en développement de l’INA-PG (AgroParisTech). Elle intègre l’Agence française de développement (AFD) en 2000 et est en charge pendant 9 ans de l’instruction et du suivi des programmes d’eau et d’assainissement financés par l’AFD dans de nombreux pays d’Afrique, d’Asie et du Moyen-Orient. Elle devient responsable adjointe de la division eau et assainissement de l’AFD en 2010 et rejoint le département de la recherche en septembre 2014 sur la thématique Gestion durable des ressources naturelles. Elle anime depuis 2015 un chantier de réflexion transversal à l’AFD sur l’articulation entre Communs et dynamiques de développement, associant programmes de recherche et projets opérationnels.
Alberto LUCARELLI: La crise de la domanialité et la fonction sociale des biens publics: à l'origine des biens communs L’exigence d’une nouvelle relecture d’ensemble des biens publics ainsi que du modèle de démocratie qui les sous-tend, est donc d’aller, par rapport aux biens communs matériels, comme nous les avons précédemment identifiés, au-delà des caractéristiques classiques de la domanialité, c’est-à-dire d’un modèle d’ordonnancement juridique qui reconnait un type classique de rapport subjectif absolu (la propriété individuelle), au sein duquel le but du domaine est de satisfaire aux exigences propres d’une administration perçue comme subjective, autonome et solitaire. C’est pourquoi, doté de ces caractéristiques, ce modèle n’empêche pas la commercialisation de ce qu’on appelle les biens communs matériels, dont l’accessibilité et la jouissance sont limitées par des logiques de profit. Par conséquent, plutôt que de parler de déclin de la catégorie juridique du domaine, il serait plus opportun de parler de limites physiologiques du modèle domanial, fondé principalement sur les éléments qui caractérisent le rapport (structurel) dominical au sein duquel le binôme souveraineté de l’État (organisation du pouvoir législatif et du pouvoir administratif) — propriété publique, sans limitations ponctuelles d’ordre constitutionnel, peut user de son pouvoir discrétionnaire pour décider de changer le titre et la destination du bien (processus de déclassement- patrimonialisation, mais également procédures de concessions), ou simplement de conserver dans le temps une fonction sociale du bien loin des exigences des communautés qui ont évolué.
Professeur agrégé de droit constitutionnel et droit public à l’Université Federico II de Naples. Professeur invitè à Paris 1 Pantheon-Sorbonne. Avocat devant la cour constitutionnelle et les cours internationales d’arbitrage. Délégué du maire de la Ville de Naples pour l’institution du Pole Metropolitain. Ancient maire-adjoint aux biens communs, eau public et démocratie participative de Naples. Membre du Comité scientifique du Grale-Paris (Groupement de recherche sur les autonomies locales en Europe). Président de l’Institut international des études et recherches sur les Biens Communs (Paris). Membre de la "Commission Rodotà", instituée par le Ministre de la Justice pour la Modification des Normes du Code Civil relatives à la Propriété Publique et l’introduction de la notion des biens communs (2007-2008).
Auteur de nombreuses ouvrages et publications sur les thèmes suivants: l’Organisation des Pouvoirs et des Fonctions de l’État; les Formes de Gouvernement; les Sources du droit et le Principe de Représentation; le Régionalisme et les Collectivités Locales; le Droit, le gouvernement et la gestion des Services Publics; les Droits Sociaux; les Biens Publics et les Bien Communs; le Droit public européen de l’économie.
Fabienne ORSI: La propriété dans tous ses états À partir d’exemples variés, la présentation montrera comment l’appréhension de la propriété par le prisme des communs fait éclater le schème de pensée dominant de la propriété privée exclusive pour réintroduire la question des droits collectifs.
Fabienne Orsi est économiste, chercheure à l’Institut de Recherche pour le Développement. Son thème de recherche a longtemps concerné l’articulation entre l’établissement de nouvelles normes renforcées de propriété intellectuelle, l’organisation du commerce mondial ainsi que la problématique de l’accès à la connaissance et aux innovations dans les domaines du vivant et du médicament. Depuis 2010, elle est engagée dans une recherche pluridisciplinaire sur les communs avec comme principal questionnement la manière dont la résurgence du thème des communs vient réinterroger le concept de propriété.
Roland PÉREZ: Finance et biens communs La communication s’inscrit dans un projet de recherche-action: programme FAS (Finance and Sustainability — forum finance@bienscommuns.org). I- De quoi parlons-nous? de quelle "finance"? de quels "bien(s) commun(s)"? - la finance est un domaine immense. Plusieurs composantes interactives: les monnaies (nationales, supranationales, parfois locales), les institutions de financement (banques et assimilées, marchés financiers...), les comportements d’agents (entreprises, ménages, États); - les "communs" sont pris au sens des "common-pool resources" (E. Ostrom), i.e. ressource + communauté + règles d’organisation et de gouvernance. II- Quoi étudier? Quels thèmes? Quelles problématiques? - au niveau des monnaies: sur l’expérience des monnaies complémentaires locales en évaluant les opportunités vs risques de leur prolifération (cf bitcoin); - au niveau des institutions et circuits de financement: continuer à analyser celles/ceux qui relèvent de l’ESS, en mettant l’accent sur les spécificités du mode de gouvernance; - au niveau des comportements d’agents: il convient d’analyser des situations spécifiques, ici en termes de comportements d’épargne, là en termes d’investissement... - sur les "articulations" (interactions, conflits...) entre les différents "ordres" (à la Dumézil) structurant les relations marchandes, régaliennes et celles des "communs".
Roland Pérez, ENS de Cachan, est titulaire d’un doctorat en sciences économiques et des agrégations de techniques de gestion et de sciences économiques et de gestion. Il a été en poste successivement à Lille, à Tunis, au CNRS Paris, aux universités d’Amiens et de Montpellier, ainsi qu’à l’institut agronomique méditerranéen. Il a travaillé sur la finance d’entreprise et l’analyse stratégique. Ses travaux récents portent sur les questions générales de management, de gouvernance et du développement durable.
Publications récentes
B. Paranque, R. Pérez (Eds) (2015), La finance autrement? Réflexions critiques sur la finance moderne, Villeneuve d’Ascq, P. U. du Septentrion, 328 p.
R. Pérez, B. Paranque (2015), numéro thématique sur "Ostrom et la gestion des communs", Revue de l’Organisation responsable, vol. 7, n°2.
R. Pérez, F. Silva (2013), dossier thématique sur "Biens communs et Économie sociale: avec Elinor Ostrom", Management et Avenir, n°65, novembre, p. 94-205.
W. Sun, C. Louche, R. Pérez (Eds) (2011), Finance and Sustainability: Towards a New paradigm? A Post-Crisis Agenda, Bingley, Emerald, 374 p.
Sarah VANUXEM: Les sections de communes, nos derniers communaux Les sections de communes désignent des fractions communales ayant la propriété de biens distincts de ceux des communes dont elles font partie. Ces biens de section ou sectionaux peuvent consister en des pâturages, forêts ou champs, en des droits d’usage, par exemple, d’affouage, de pacage, de chasse ou de cueillette. Il peut encore s’agir d’un moulin, d’une fontaine, d’un four à pain, voire de matériel agricole. Une forme de propriété originale, la propriété sectionale est appelée à disparaître suite à l’entrée en vigueur d’une loi du 27 mai 2013 dite de "modernisation du régime des sections de commune". On assiste cependant à l’entrée en résistance de plusieurs communautés de sectionaires pour la défense de leurs biens et de leurs systèmes de gestion collective. A partir de l’étude de quelques unes de ces sections de commune, désormais engagées dans une lutte pour leur survie, nous nous demanderons dans quelle mesure la propriété sectionale pourrait constituer un modèle de "Commun" susceptible de favoriser le retour des "paysans".
Sarah Vanuxem est maître de conférences à l’Université de Nice Sophia Antipolis (GREDEG).
Principales publications en lien avec les Communs
Les choses saisies par la propriété, préface Th. Revet, IRJS, 2012.
"PIPRA (Public Intellectual Property Resource for Agriculture): une tentative avortée de pallier la faiblesse du domaine public dans les technologies agricoles", in B. Coriat (dir.), Le retour des communs. La crise de l’idéologie propriétaire, LLB, 2015.
"L’appropriation au/du territoire Aït M’hand. Incursion dans le Haut-Atlas marocain", in S. Vanuxem et C. Guibet Lafaye (dir.),Repenser la propriété, un essai de politique écologique, PUAM, 2015.
Olivier WEINSTEIN: Communs, travail et salariat Un commun, comme forme d’action collective, repose en règle générale sur le travail des membres d’un collectif. Les conditions effectives dans lesquelles s’organise cette mise au travail, constitue, au même titre que la gouvernance, une dimension centrale de la constitution d’un commun, et de son développement. Notre objet sera de considérer les divers modes d’organisation possibles du travail des "commoners", et les questions qu’ils soulèvent. Cela inclut en particulier les questions de statut juridique et contractuel, les modes de rémunération (ou non) du travail fourni, les possibilités de différentes formes de division du travail. D’un point de vue plus fondamental, il s’agit de considérer dans quelle mesure le commun peut se présenter comme une alternative à ce qui est la forme principale d’organisation de la production et du travail dans nos sociétés, l’entreprise. Et par là, également, comme une forme d’association de travailleurs libres, alternative à un rapport salarial fondé sur une relation d’autorité, sur lequel repose l’entreprise capitaliste, mais aussi d’autres types d’entreprises. Cela devra également nous amener à considérer les liens possibles entre l’analyse des communs et la recherche de nouvelles formes sociales d’entreprises.
Olivier Weinstein est professeur honoraire en sciences économiques, à l’Université Paris 13, Sorbonne Paris Cité, et membre du Centre d’économie Paris Nord (CEPN, UMR 7234). Spécialisé en économie industrielle et de l’innovation, il a travaillé ces dernières années plus particulièrement sur les théories de la firme et les transformations de l’entreprise capitaliste, ainsi que sur l’analyse des communs, à partir des travaux d’Elinor Ostrom.
Publications
Pouvoir, finance et connaissance. Les transformations de l’entreprise capitaliste entre XXe et XXIe siècle, La découverte, textes à l’appui/économie, 2010.
"Firm, Property and Governance: From Berle and Means to the Agency Theory, and Beyond", Accounting, Economics, and Law, Vol. 2, Issue 2, Article 2, June 2012.
"Comment comprendre les "communs": Elinor Ostrom, la propriété et la nouvelle économie institutionnelle", Revue de la régulation [En ligne], 14 | 2e semestre / automne 2013, mis en ligne le 13 février 2014.
"Comment se construisent les communs: questions à partir d’Ostrom", dans B. Coriat (sous la direction de), Le retour des communs. La crise de l’idéologie propriétaire, Éditions Les Liens qui Libèrent, 2015.